Milan – Sanremo 2021 (299km)

La 112ème édition de la Classicissima a lieu ce samedi 20 mars. Avec ses presque 300km, la plus longue des classiques ouvre cette année, et comme à son habitude, la saison des Classiques.

LE PARCOURS

Près de 7h d’effort pour le peloton, la Primavera pousse les organismes et le mental des coureurs dans leurs retranchements. Du classique pour l’édition 2021, mis à part la “disparition” du Passo del Turchino, remplacé par le Colle di Giovo. Le peloton se dirigera ensuite vers l’enchaînement traditionnel des 3 Capi, Mele, Cervo et Berta, avant les mythiques Cipressa et Poggio.

Il est vrai que Milan – Sanremo n’est pas la plus passionnante des courses tout au long des 300km, et comment en vouloir aux coureurs quand on voit la distance à parcourir. Mais il faut bien comprendre que tout coureur n’est pas capable de tenir le rythme après 300km et 7h sur un vélo. C’est aussi en cela que cette course a gagné son statut de Monument du cyclisme, sa longueur et son final toujours incroyable couronnant l’homme le plus résistant.

Ces dernières années, aucune vraie différence ne s’est fait avant le Poggio. Une première sélection s’effectue en amont, bien entendu, mais le coup gagnant n’est pas parti avant cette dernière montée depuis bien longtemps. On peut tout de même se pencher sur l’ensemble des 30 derniers kilomètres de la course afin de mieux comprendre à quoi ressemble le final.

Sur une course “normale”, avec ses 5.6km à 4%, la Cipressa ne serait pas vraiment impressionnante. Oui, mais la Classicissima n’est pas une course comme les autres et la Cipressa se présentera sur le parcours des coureurs après plus de 270km de course. Le rythme commencera déjà à grandement s’accélérer pour réaliser un écrémage naturel par l’arrière. Près de 5% de moyenne sur les 4 premiers kilomètres, la partie finale sera plus simple et plus roulante.

Un fort vent de Nord / Nord-Est prévu pour l’ascension de la Cipressa, et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les attaquants potentiels. On l’a vu, la Cipressa n’est pas le point où l’attaque décisive part. Avec ce vent de trois quarts sur une bonne partie de la montée, les attaquants pourraient y réfléchir à deux fois avant de tenter quelque chose.

Montée de la Cipressa

On peut tout de même remarquer 2 zones plus favorables. Entre le kilomètre 2 et 2.8 de la côte, puis les 1 600m derniers mètres de la montée. Ces 2 portions se feront plutôt vent de dos / trois quarts, malheureusement ce sera la partie “simple” de l’ascension sur le final, difficile de creuser des écarts ici.

Après la descente de la Cipressa s’en suivra une portion de plat d’une dizaine de kilomètres, le long de la côte, avec un fort vent de dos / trois-quarts dos. Un vent qui ne désavantagera pas les attaquants sur cette portion de plat. Mais si aucun coup n’est parti dans la Cipressa, le rythme sera bien trop élevé pour partir sur la portion de plat, et il faudra comme d’accoutumé attendre le monument dans le Monument : le Poggio di Sanremo.

C’est bien souvent ici que la course se décide. Tout comme la Cipressa, pris seul, le Poggio n’est pas effrayant. Mais en faire l’ascension à vitesse élevée et avec plus de 290km dans les jambes, la côte se transforme en Mont. L’écrémage final se fait ici, et soit un groupe très réduit bascule ensemble soit des attaquants arrivent à créer un écart avant de basculer à la fameuse cabine téléphonique. A noter, depuis 2016 et la victoire de Démare, aucune édition ne s’est terminée au sprint (disputé par le peloton).

Sur les 4 dernières éditions, les attaques décisives sont toutes survenues dans le dernier kilomètre du Poggio (sauf Nibali en 2018, parti à 1 500m du sommet). Rien de bien étonnant, car à un kilomètre du sommet se trouve une rampe plus pentue que les autres (avec un maximum de 8%) après une portion de replat, permettant à un puncheur de créer une différence.

Qu’en est-il du vent dans le Poggio ?

Comme on peut le voir sur l’image, le vent soufflera fortement (plus de 25km/h) en provenance du Nord-Est. En d’autres termes, cela veut dire que le principal de la montée du Poggio se fera avec un vent de côté / trois quarts face, avec même certaines portions de face.

Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’attaques, il semble hautement improbable que les puncheurs ne tentent pas de décrocher les derniers sprinters encore présent. Cela signifie que seuls les plus forts parviendront à s’extirper du groupe, ou à suivre Van Aert /MVDP /Alaphilippe s’ils le peuvent.

Un point très important à noter, la descente. Elle se fera en majorité vent de dos. Très technique, il est difficile pour un groupe de revenir sur des échappées, d’autant plus quand ceux-ci sont de bons descendeurs. Les hommes de tête auront le vent de dos sur les 2.3km restant jusqu’à l’arrivée. L’histoire récente l’a montré, avoir 10 secondes à la cabine téléphonique peut-être un matelas suffisant pour que les attaquants se jouent la victoire.

LES PRETENDANTS

On rentre dans le vif du sujet ici. On l’a vu, cela fait bien longtemps qu’une attaque avant le Poggio n’a pas fait mouche. La dernière fois, c’était le jeune Colombo qui était parti dans la Cipressa à 25km de l’arrivée. C’était en 1996. Mais, avec un homme comme Van der Poel dans le peloton, tout est possible. Le néerlandais n’a absolument pas froid aux yeux, et les raids solitaire de plusieurs dizaines de kilomètres ne lui font pas peur. Il est en forme, 2 victoires sur Tirreno, dont un raid solo incroyable dans une étape dantesque la semaine dernière. Récent vainqueur des Strade Bianche, en ayant littéralement déposé Alaphilippe dans les pourcentages monstrueux de la Via Santa Caterina, MVDP est sans conteste un des favoris à la victoire sur ce Milan – Sanremo. Où va-t-il attaquer ? Et surtout, s’il part de loin, qui le suivra ? Ses adversaires prendront-ils le risque de le laisser partir ? On le sait, en solitaire, un grand Van der Poel est très difficile à aller chercher.

Van Aert est lui aussi un des grand favoris de demain. Récent deuxième au général de Tirreno, il a réalisé une grande semaine avec 2 victoires pour 5 top 3 en 7 courses. Il termine aussi 4ème des Strade Bianche il y a deux semaines. Aucun doute, Wout est en forme. Vainqueur sortant, il aura à cœur de défendre son titre. Moins bon puncheur que Van der Poel ou Alaphilippe, il devrait être malgré tout capable de les suivre dans le Poggio (ou ailleurs). L’année passée, Alaphilippe avait creusé l’écart en haut du Poggio, mais Wout l’avait comblé et s’était imposé au sprint face au français. Il ne sera pas forcé d’attaquer demain, mais pourra se contenter de suivre les attaques de ses adversaires.

Alaphilippe, le troisième homme du Big 3. Vainqueur d’une étape sur Tirreno, second des Strade Bianche, ce sera la cinquième participation de Julian à la Classicissima. En quatre participations, 3 podiums dont une victoire. La seule fois où il ne fait pas podium, c’est en 2018 où il emmène le sprint de Viviani. Cette année là, la Bahrain de Nibali avait parfaitement réussi à “barrer” le peloton dans le Poggio pour permettre à son champion italien de prendre le large et de ne jamais être revu. Il semble difficile pour Alaf’ de distancer MVDP et Van Aert dans le Poggio. En revanche, il peut se permettre de ne pas rouler à défaut des 2 autres, s’ils devaient se retrouver dans le même groupe. Pourquoi ? Car selon le scenario, Julian pourrait avoir encore Ballerini voire Bennett dans ce qui restera du peloton quelques secondes derrière. Van Aert et MVDP sont les seules options de leurs équipes respectives, ce qui n’est pas le cas de Julian.

En parlant de la DQS, ils viennent une nouvelle fois avec une belle armada. Alaphilippe est évidemment leur pièce maîtresse, mais il ne sera pas seul. Bennett et Ballerini seront là eux aussi. Bennett est en grande forme en ce début de saison avec déjà 4 victoires au compteur. On l’a vu se tester sur les routes de montagne de Paris-Nice. Cependant, il a implosé lors de l’arrivée explosive dans le final à Biot et sur le final de la dernière étape de Paris-Nice, ce qui n’est pas vraiment bon signe. L’année passée, il n’avait pas pu suivre le rythme dans le Poggio. Il serait très risqué de se reposer uniquement sur lui pour un sprint sur Milan Sanremo. C’est là que Ballerini entre en scène. L’italien est lui aussi en très grande forme. Capable de s’imposer dans un sprint sur du plat, en côte ou de remporter l’Omloop, il est pour moi une meilleure carte sprint que Bennett sur une course comme celle-ci. L’irlandais est bien évidemment plus rapide que lui en sprint pur, et si les 2 sont là dans le final, l’italien jouera le poisson pilote. Mais vu la course dont il s’agit, Davide aura ma faveur au départ entre les 2.

Un homme à ne pas sous-estimer, Michael Matthews. On l’a aussi vu sur les routes de Paris-Nice, l’australien est en forme. 2 fois troisième lors des 5 dernières éditions, il avait notamment remporté le sprint du peloton en 2020. On se souvient de lui, la main droite en sang à l’arrivée après une chute dans le Poggio. Capable de passer le Poggio avec ce qui restera du peloton, en cas de regroupement avant l’emballage final, il jouera une nouvelle fois le podium. A la condition que la course ai éliminé Ewan et Bennett auparavant.

Chez les sprinters capable d’être encore présent si la course n’a pas été rendue trop violente, Ewan fait bonne figure. Deuxième en 2018, l’australien a tout ce qu’il faut pour s’imposer en cas d’arrivée groupée. Son abandon lors de Tirreno ne joue pas en sa faveur cependant, sera t-il tout à fait remis pour encaisser ces 300 kilomètres de course ?

Souvent dans les bons coups, je ne vois pas Sagan et Kwiatkowski réaliser un grand MSR cette année. Ils méritent tout de même une mention pour tous ce qu’ils ont fait lors des précédentes éditions, mais pas pour cette année je pense malheureusement. Il en est de même pour Mohoric, 10è et 5ème des deux dernières éditions. La concurrence est trop forte pour le slovène.

Un nom qui est revenu dernièrement est celui de Pippo Ganna. L’italien a-t-il une chance de s’imposer sur Milan Sanremo. Oui, mais pour que cela se réalise il faudra que toutes les planètes soient alignées. Il faudra : un peloton groupé à la fin de la descente du Poggio, un Ganna placé à l’avant, un moment de flottement, une accélération destructrice du champion italien et enfin, quelques autres secondes de flottement. Alors, seulement à ce moment là il aura course gagné, car lancé à toute allure vent de dos, il sera impossible à rattraper. Impossible d’en faire un favori malgré tout.

Nibali a-t-il encore ce qu’il faut ? Le requin est bien souvent à l’attaque dans le Poggio, et en 2018 la tentative s’est avérée payante grâce à un excellent jeu tactique de son équipe. Plus que l’âge de Nibali, je pense que ce sont plutôt les qualités des jeunes qui le font paraître “dépassé”. Il faudrait une situation bien particulière pour qu’il s’impose. Qu’on le laisse partir seul dans le Poggio pour qu’il aille s’imposer. Mais difficile d’imaginer un scenario ou aucun du Big 3 n’irait le chercher. Au sprint, Vincenzo n’a pas une seule chance face à eux. Mais les icônes ne meurent jamais, alors qui sait.

MES CHOIX

En prenant en compte les scenari possible, Van Aert semble être celui possédant le plus de chances de l’emporter. Capable de suivre dans les côtes, excellent sprinter et bon descendeur, il est l’homme à battre demain. Le vent de face dans le Poggio n’avantagera pas les attaques, loin de là. Tous les sprinters ne passeront pas, car les 30 derniers kilomètres seront courus à un rythme effréné, mais les plus à même de passer les côtes seront là. Les podiums de Matthews et Ballerini sont de mon point de vue de bons spots à prendre.

  • Van Aert @ 4.25 (0.75%)
  • Ballerini @ 15 (0.1%)
    • Top 3 @ 5.60 (0.3%)
  • Matthews Top 3 @ 5.60 (0.3%)

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