Présentation de la Course
Comme de coutume, Milan – Sanremo sera le premier Monument de la saison du calendrier cycliste. Ce samedi 19 mars se tiendra la 113ème édition de la Classicissima, 293 kilomètres au terme desquels le successeur de Stuyven sera couronné.
Peu de changement à noter pour cette édition si ce n’est un retour du parcours classique avec le Passo del Turchino, absent des deux dernières éditions de la course. Les fameux Capi et les mythiques Cipressa et Poggio seront bien évidemment de la partie.
La course World Tour la plus longue de l’année, celle dont l’adage dit qu’elle “est la course la plus simple à terminer, mais la plus difficile à gagner”. Au fur et à mesure des années, des modifications de parcours ont eu lieu sur cette course mythique, pour la rendre plus sélective.
Car si la Cipressa et le Poggio sont aujourd’hui des noms mythiques qui résonnent dans la tête de tous les amoureux de la petite reine, ils n’ont pas toujours été au programme de La Classique des Classiques. C’est en 1960 que le Poggio est ajouté à la course, pour rendre moins prédictible son dénouement et empêcher les arrivées en sprint massif. La Cipressa fera son apparition en 1982 là encore dans l’optique d’effectuer une sélection sur le final du parcours. Les 3 Capi que sont le Capo Mele – Capo Cervo – Capo Berta, tous situés dans les 50 derniers kilomètres et précédant la Cipressa, sont présents sur le parcours depuis ses origines, tout comme le Turchino qui a depuis bien longtemps perdu son aspect décisif dans la course, mais qui n’en reste pas moins emblématique.
D’autres changements ont été apportés au fur et à mesure, mais qui ne sont pas forcément restés, comme l’introduction entre 2008 et 2013 du Manie placé entre le Turchino et les Capi. En 2014 et 2015 il a aussi été question de l’ajout d’une autre ascension, La Pompeiana, censée se trouver entre la Cipressa et le Poggio. Cela ne sera jamais le cas, et Le Manie disparaîtra du parcours par la même occasion.
Cette édition 2022 est une version plus “classique” de la Classicissima : proche des 300km avec un passage par le Turchino, les Tre Capi avant la Cipressa puis l’ascension du Poggio avant sa descente et une arrivée sur la Via Roma.
Les Dernières Editions
2017 : Vainqueur – M. Kwiatkowski
Gros tempo imposé dès le pied du Poggio par Dumoulin suivi ensuite par le train de la Sky. Trop lent pour Sagan qui décide de porter son attaque à 1 kilomètre de la cabine téléphonique. A contre-temps, seuls Kwiatkowski et Alaphilippe arriveront à le suivre. Les 3 hommes ne seront pas revus et Kwiatkowski s’imposera au sprint.
2018 : Vainqueur – V. Nibali
Quelques attaques dès le pied du Poggio très bien contrôlées par la Bahraïn. A 1 600m du sommet, attaque de Neilands suivi uniquement par Nibali, qui se défera du letton 600m plus loin. L’italien basculera seul en tête et ne sera pas revu jusqu’à la ligne, à moins d’une seconde d’un groupe d’une vingtaine de coureurs qui auront espéré jusqu’au bout.
2019 : Vainqueur – J. Alaphilippe
Gros rythme imposé par Gilbert et Stybar pour la Deceuninck, rendant toute attaque impossible. Les attaques commenceront justement à la fin du lead de la Deceuninck, avec Clarke tout d’abord puis, à 1 kilomètre du sommet du Poggio, sous l’impulsion d’Alaphilippe un groupe composé de Sagan, Trentin, Kwiatkowski, Naesen, Valverde et Van Aert. Quelques coureurs rentreront dans la descente, et entre le pied de la descente et l’arrivée, d’abord Trentin puis Mohoric tenteront d’attaquer sans succès. La victoire se jouera au sprint entre les 10 hommes, Alaphilippe lèvera les bras.
2020 : Vainqueur – W. Van Aert
Le mouvement décisif interviendra une nouvelle fois à un kilomètre du sommet du Poggio. Sous l’impulsion de Nibali, Alaphilippe, Van Aert et Kwiatkowski s’extraient du peloton. Très vite, seuls Julian et Wout ne seront plus que deux, puis un seul quand le français décrochera le belge de sa roue au sommet. Van Aert parviendra à recoller dans la descente, les deux réussiront à tenir tête au peloton pour une poigné de secondes, Van Aert s’imposera au sprint.
2021 : Vainqueur – J. Stuyven
Après un gros tempo de Ganna et du team Ineos jusqu’à 1 kilomètre du sommet du Poggio, Alaphilippe allume la mèche immédiatement suivi de Van Aert. A l’inverse de l’année précédente, ils n’arriveront pas à s’isoler et c’est finalement un groupe d’une dizaine de coureurs qui basculera ensemble, dont un impressionnant Ewan. Très grosse descente de Pidcock qui n’arrivera pas à décrocher ses adversaires. Stuyven placera son attaque au pied de la descente du Poggio, rejoint par Kragh Andersen à la flamme rouge qui lui donnera un relais vital dans les 500 derniers mètres, permettant au belge de résister au retour au sprint d’Ewan et Van Aert.
Le Parcours


Si Milan – Sanremo ne comporte pas les ascensions les plus difficiles que l’on peut retrouver sur les courses cyclistes professionnelles, ses près de 300km et l’enchaînement Capi – Cipressa – Poggio dans les 60 derniers kilomètres mettent les organismes à mal.
La Cipressa a déjà été l’occasion d’attaques par le passé, mais il faut remonter au milieu des années 90 pour trouver trace d’une attaque victorieuse dans cette ascension, c’était le jeune italien Colombo en 1996. Ces dernières années, c’est surtout le Poggio qui est juge de paix, comme nous avons pu le voir plus haut. Franck Alaphilippe, entraîneur de Julian, l’a dit l’année dernière : “attaquer avant le Poggio ça ne sert à rien, si ce n’est à perdre la course“.

Sur une course “normale”, avec ses 5.6km à 4.1%, la Cipressa ne serait pas vraiment impressionnante. Oui, mais la Classicissima n’est pas une course comme les autres et la Cipressa se présentera sur le parcours des coureurs après plus de 260km de course. Le rythme commencera déjà à grandement s’accélérer pour réaliser un écrémage naturel par l’arrière. Près de 5% de moyenne sur les 4 premiers kilomètres, la partie finale sera plus simple et plus roulante.
Au sommet de la Cipressa il restera 21.6 kilomètres à parcourir. Après une courte descente de 3.3 kilomètres, les coureurs devront aborder une portion plane de 9 kilomètres ouverte sur sa gauche sur la Mer de Ligurie. A un peu plus de 9 kilomètres de l’arrivée débutera l’ascension du mythique Poggio di Sanremo.
Tout comme la Cipressa, pris seul, le Poggio n’est pas effrayant avec ses 3.7km à 3.7% de moyenne. Mais à vitesse très élevée après plus de 280km de course, la donne change du tout au tout. L’écrémage final se fait ici, et soit un groupe très réduit bascule ensemble soit des attaquants arrivent à créer un écart avant de basculer à la fameuse cabine téléphonique, où une avance de 10″ peut être suffisante pour rallier l’arrivée en tête.

Une descente assez technique dans sa première partie avec des lacets à bien négocier, avant de débouler sur la SS1 au pied de la descente où il ne restera que 2 200m pour rallier l’arrivée. A 850m de la ligne, il y aura un virage à gauche sur un rond-point, puis aux 750m un dernier virage sur la droite. Les coureurs arriveront alors sur cette fameuse Via Roma au bout de laquelle sera couronné le nouveau vainqueur de la Classicissima.
Les Derniers Kilomètres



Météo
Beau temps attendu demain sur les routes de Milan – Sanremo, malgré quelques nuages. Des températures fraîches au départ de Milan sous les 8°, mais qui grimperont jusqu’à 15 / 16° degré au fur et à mesure de l’après-midi.
Concernant le vent dans la partie finale de la course, il soufflera fort entre 25 / 30 km/h, en provenance de l’Est / Nord-Est. Ci-dessous, une représentation graphique de ce que cela implique.
Dans la Cipressa, un vent en grande partie de côté, mis à part deux portions avec un vent plus favorable:
- Sur 600m, après 1 kilomètre d’ascension
- Sur les 1 600 derniers mètres d’ascension

Le vent sera aussi favorable antre la Cipressa et le Poggio, de quoi inciter aux attaques lointaines ?
Dans le Poggio, ce sera là aussi un fort vent majoritairement de côté qui viendra frapper les coureurs, pas forcément propice aux attaques, ou en tout cas pas totalement propice à ce qu’un groupe de 2 ou 3 coureurs s’isolent, comme ce fût le cas l’année dernière.

Enfin, dans la descente mais surtout sur les deux derniers kilomètres entre la SS1 et la Via Roma, le vent soufflera fort et de dos.

Le Scenario
Cela n’aura échappé à personne, le peloton pro (en particulier les coureurs revenant de Paris – Nice et Tirreno – Adriatico) est très fortement touché par une épidémie de bronchite et autres maladies. La startlist se retrouve donc amputée de quelques noms dont un des principaux est celui du champion du Monde, Alaphilippe. La grosse différence que cela fait est qu’Alaphilippe est l’homme qui a lancé les hostilités dans le Poggio lors des 3 dernières éditions. Information tombée ce midi, Ewan un des favoris de cette édition sera lui aussi absent demain. Un sérieux coup dur pour celui qui avait fait de MSR un de ses principaux objectif de la saison.
D’autres absents de marque à signaler : pas de Stuyven qui ne pourra défendre son titre. Pas non plus de Colbrelli ni Asgreen. Au rayon des bonnes nouvelles tout de même, Pedersen qui tient une excellente forme en ce début de saison vient remplacer Stuyven, et on annonce aussi la reprise de sa saison sur route pour Van der Poel. Deux belles épines dans le pied de Van Aert et Pogacar.
On en a parlé précédemment, mais il y a bien longtemps que la Cipressa n’a pas vu le mouvement décisif se faire sur ses pentes. Si la question avait commencé à se poser l’année dernière, elle est de retour cette année encore. Pogacar apparaît surdominant en ce début de saison, intouchable. Capable d’un raid solitaire de 50km sur les Strade Bianche, vent de face, résistant à un petit peloton lancé en chasse derrière lui. Pas non plus d’adversité sur Tirreno, le slovène a laissé entendre qu’il pourrait tenter quelque chose dès la Cipressa cette année. A quel point faut-il croire ses paroles ?
Non pas que je ne l’en crois pas capable, mais il y aura beaucoup plus d’équipiers pour chasser sur le final de Milan – Sanremo qu’il n’y en avait sur les Strade, une attaque dans la Cipressa ressemblerait plus à se tirer une balle dans le pied qu’une attaque héroïque ayant de réelles chances de succès. Surtout quand on voit l’équipe emmenée par UAE, cela ne ressemble pas aux hommes qu’on emmène pour laisser son leader s’isoler avant d’avoir vraiment pu travailler. Et il trouvera sur sa route les armada INEOS et Jumbo pour l’empêcher de filer seul au but. Comme lors des dernières années, une accélération du rythme dans la Cipressa, un train d’enfer dès le pied du Poggio suivi d’une attaque vers le kilomètre avant le sommet semble le plus probable. Pour pouvoir suivre cette attaque, il faudra bien sûr avoir les jambes mais surtout être très bien placé dès le pied du Poggio quand le rythme deviendra effréné. Être trop loin de la tête au moment du début de l’ascension forcera les coureurs à laisser trop de forces dans la bataille, ou pire, prendre une cassure et ne pas pouvoir la combler.

On l’a aussi vu dans l’histoire récente de la course, un petit groupe qui arrive au pied de la descente du Poggio n’est pas à l’abri d’attaques. Et cela pourrait de nouveau être le cas cette année. Tout dépendra de la taille du groupe et de sa composition. Si personne n’a d’équipiers, les chances de succès d’une late attack au pied de la descente seront bien plus grandes. Et quand bien même, l’année dernière Sagan avait Schachmann avec lui et Colbrelli avait Mohoric, et pourtant Stuyven n’a pas été revu.

Les Prétendants
Jumbo : Grosse armada autour d’un des favoris en la personne de Wout Van Aert. Impressionnant début de saison sur route où il a directement balayé les doutes sur sa forme en n’ayant repris “que” sur l’Omloop. Le belge a pris le départ de 9 courses cette année, résultat : 7 podium dont 2 victoires. Ses performances sur l’Omloop et sur Paris – Nice, notamment la dernière étape où il sauve le maillot jaune de Roglic , laissent entrevoir ce dont il sera capable lorsqu’il aura atteint son pic de forme. Pic de forme prévu pour ses deux gros objectifs de début de saison que seront le Tour des Flandres et Paris – Roubaix. Cela ne veut pas dire qu’il s’aligne sur MSR pour perdre non plus.
En l’absence d’Alaphilippe, il sera l’un des hommes qu’on attendra à l’attaque car attendre le sprint serait bien trop risqué compte tenu du plateau de sprinter. Autour de lui, Jumbo a mis les petits plats dans les grands : Roglic en équipier de luxe chargé de couvrir les attaques, un Laporte qui grimpe mieux que jamais et qui donnera tout pour son leader après que celui-ci lui ai offert sa première victoire WT sur Paris – Nice. Les fidèles Van Hooydonck et Van der Sande seront aussi de la partie.
Si Van Aert est indéniablement un des coureurs les plus forts et polyvalent du peloton, cela le rend aussi très observé et attendu, ce qui l’a beaucoup desservi par le passé, comme sur les J.O ou encore Paris – Roubaix. Tout le monde s’attend à ce que Wout bouche les trous lors des attaques, et s’il bouge derrière ils savent que c’est sa roue qu’il ne faut pas lâcher. Avec la présence de Van der Poel, cela ajoutera à la tension, on connaît le passif de ces meilleurs ennemis capable de se faire perdre tous les 2.
Malgré l’absence d’Ewan, la présence de Pedersen et d’autres sprinters forcera la Jumbo à durcir la course dès la Cipressa car de ce que ce que le danois a montré, il sera probablement capable de suivre dans le Poggio et encore plus probablement capable de battre Van Aert au sprint.
UAE : Un autre des favoris, et peut-être le meilleur coureur au monde actuellement, Pogacar s’aligne pour la deuxième fois seulement sur Milan -Sanremo. Un début de saison encore plus impressionnant que ne l’a été le début de 2021, avec déjà 5 victoires au compteur, dont les Strade Bianche et auxquelles il faut ajouter le général du Tour des UAE et de Tirreno. A noter, Pogacar a déclaré avoir attrapé un rhume juste après Tirreno, à voir si cela aura un réel impact sur ses performances.
Le slovène gagne partout où il passe en faisant passer ses adversaires pour des cadets, il y a pour le moment un monde d’écart entre lui et les autres. Il sait cependant que pour augmenter ses chances de victoire, il doit arriver seul ou dans un petit groupe. Loin d’être ridicule au sprint, il ne fera probablement pas le poids face à des Pedersen ou autre, et probablement pas non plus face à Van Aert, même si on sait que tout est possible après 300km.
Il a laissé entendre qu’il pourrait tenter quelque chose dès la Cipressa pour écrémer et se débarrasser des sprinters. Une tactique très risquée qui pourrait tout lui faire perdre s’il est revu avant le final. Excellent puncheur, il est capable de lâcher la plupart du peloton sur des pentes suffisantes. Pour cela, la Cipressa semble plus indiquée que le Poggio, ou bien l’amorce du dernier kilomètre du Poggio et les rampes à 8%. S’il arrive à creuser un trou, il est possible qu’il ne puisse être rejoint. Mais j’y crois peu, surtout si Van Aert est présent.
On parle de Pogacar, mais il ne sera bien évidemment pas seul. UAE emmène Ulissi, Formolo et Covi à ses côtés. Trois bons puncheurs capable de faire de gros dégâts dans la Cipressa et dans le Poggio. S’il est difficile d’imaginer qu’ils aient vraiment carte blanche, ils pourraient avoir le droit de suivre les attaques potentielles dans les dernières ascensions, forçant leurs adversaires (INEOS, Lotto et Jumbo en tête) à faire le travail derrière, ou bien tout simplement à squatter les roues sans prendre de relais.
Tout comme chez Jumbo, bien qu’il y ai un clair leader, les circonstances de course pourrait amener une stratégie différente. Un Covi dans le bon groupe ne partirait pas forcément battu en cas de sprint en petit groupe, si les favoris se seraient un peu trop regardés derrière.
INEOS : Une très grosse équipe que celle des Grenadiers pour cette édition ! Retour de Pidcock après 3 semaines d’absences, lui qui a dû se retirer la veille des Strade pour cause de maladie. Son début de saison sur les classiques était pourtant prometteur, malgré des résultats très moyens plus du à des erreurs tactiques qu’à un problème de forme. Qu’en sera t-il demain ? Bon puncheur et bon descendeur, il possède la panoplie idéale pour attaquer le Poggio et sa descente (on se rappelle de sa descente à tombeau ouvert l’année dernière). Au sprint, il a déjà montré qu’il peut battre Van Aert, mais quid de Pedersen ?
INEOS pourra aussi compter sur son couteau suisse Hayter, l’ancien vainqueur Kwiatkowski, le sprinter Viviani mais aussi Ganna. Et c’est sur le champion du monde du contre-la-montre que je vais m’attarder un peu plus ici.
Ganna l’a déclaré, il veut prouver qu’il n’est pas qu’un coureur qui performe sur les contre-la-montre. Il a déjà pu nous en apporter la preuve sur le Giro 2020, mais aussi à plusieurs occasions en ce début de saison. On l’a vu terminer dans le premier groupe au sommet de Jebel Jais sur le Tour des UAE, décrocher un podium sur le sprint en côte de Manosque ou encore terminer à 1’20 de Quintana au sommet de la montagne de Lure (13.4km à 6.5%) sur le Tour de la Provence. Il n’y a pas 50 scenario dans lesquels Ganna peut s’imposer. Bien qu’on ai pu voir que son sprint en côte soit loin d’être ridicule, il a de grandes chances de jouer battu s’il n’arrive pas seul sur la ligne. Il doit attaquer, mais pas n’importe comment. Malgré toutes ses qualités de rouleur, partir avant le Poggio semble voué à l’échec : trop d’équipiers derrière pour rouler malgré un vent favorable sur la Via Aurelia entre la Cipressa et le Poggio, ce qui le laissera à la merci d’attaques dans le Poggio qu’il ne pourrait peut-être pas suivre avec la fatigue.
Sa meilleure chance reste une attaque au pied de la descente du Poggio. Avec un fort vent de dos – 3/4 dos entre la SS1 et la Via Roma, le spécialiste de la poursuite pourrait faire parler toute sa puissance. Il faudra pour cela avoir basculé avec le groupe de tête, ce dont je le pense capable. Si derrière on lui laisse quelque mètre il sera très difficile de les combler, on se rappelle de la manière dont il a décroché un peloton complet de sa roue sur l’étape des Saintes-Maries plus tôt cette saison. La plus grande chance italienne de victoire, c’est bien Pippo.
Trek : Invité de dernière minute, Pedersen prendra bien le départ de la course en remplacement de Stuyven. Vu la forme du danois, beaucoup n’avaient pas compris les raisons de son absence, lui qui veut se préparer pour les classiques à venir. Changement de plan donc, et avec ce qu’on a encore vu sur Paris – Nice, Mads est un homme sur qui il faudra compter.
Que ce soit sur le GP La Marseillaise, Bessèges ou encore Paris- Nice, il a montré être non seulement rapide mais aussi tout a fait capable de passer les côtes en gardant encore de la fraîcheur, à l’inverse de quelques autres purs sprinters. Il est très certainement un des tout premiers bénéficiaires de l’abandon d’Ewan, mais il y aura tout de même d’autres gars qu’il aimerait voir sauter dans le final. Je pense qu’il a les capacités de faire partie du premier groupe en haut du Poggio, à condition d’avoir pu aborder l’ascension en bonne position. Derrière, si sprint il doit y avoir, il sera indéniablement un des favoris pour une place sur le podium.
Alpecin : S’il n’y a pas eu que des bonnes surprises sur les annonces ces derniers jours, il est en une qui a ravi tous les amateurs de vélo : le retour anticipé de Van der Poel à la compétition. La question de son état de forme pour sa course de reprise sur une épreuve de 300km est légitime, surtout quand on connaît les problèmes de dos qu’il a eu. Plusieurs éléments de réponse.
La course est certes longue de près de 300km, mais ce ne sont pas 300km courus à bloc, le rythme devient vraiment très soutenu dans le final avec les Capi, puis la Cipressa et le Poggio. Van der Poel a de plus réalisé de longues sorties en Espagne, plus de 200km et plus de 3 000m de dénivelé positif. S’il s’aligne ici, c’est qu’il se sent probablement capable de lutter. Gagner sera très compliqué, l’entraînement ne remplace pas la course surtout sur un Monument, bien qu’on puisse citer la jurisprudence Van Aert (lui toutefois n’a pas dû stopper sa saison de CX ni décaler son retour sur route pour des problèmes physique).
Quoi qu’il en soit, sa présence à elle seule va jeter le doute sur plus d’un de ses adversaires, Van Aert en tête. On le sait, les deux sur la même course peuvent parfois avoir tendance à se focaliser l’un sur l’autre, quitte à se faire perdre.
Alpecin pourra aussi compter sur un des hommes en forme du moment en la personne de Philipsen. Le belge est tout doucement en train de confirmer sa place parmi le top du sprint mondial. Capable de bien passer les bosses, lui aussi à l’image d’un Pedersen sera grandement bénéficiaire de l’absence d’Ewan. Un Paris – Nice assez décevant en terme de résultat pur, mais on l’a vu basculer avec le groupe de contre sur la 1ère étape, et prendre la 4ème place de l’étape accidentée de Dun-le-Palestel. La vraie question est de savoir si oui ou non il pourra basculer avec le groupe de tête en haut du Poggio. Sur ce qu’il a montré, on peut le penser, mais peu ou pas de références sur des courses de plus de 250 kilomètres. A voir donc, mais à ne pas sous-estimer quand on sait que chez Alpecin ce sera probablement MVDP qui attirera la plupart des regards.
QuickStep : Beaucoup d’abandons avant même le départ de la course côté QuickStep : Asgreen, Ballerini mais surtout Alaphilippe ne seront pas présents. Cavagna reprend la compétition et arrive en remplacement mais c’est surtout Jakobsen sur qui les regards se tournent. Probablement un des sprinters les plus rapide du peloton, aucun doute la dessus. Là où j’ai le plus de doute c’est sur sa capacité à passer le Poggio à l’avant. En temps normal, il devrait en être capable, mais après 280km ce sera une autre histoire.
Est-ce que la QuickStep jouera tout pour Jakobsen en demandant à ses équipiers de rester à ses côtés pour tenter de le ramener après le Poggio ? Cette tactique semble très risquée, même si en cas de sprint ses chances de victoires seront grandes. Avec Bagioli ou encore Honoré, ils possèdent 2 coureurs plus polyvalents qui pourraient tenter leur chance dans le Poggio et tenter d’accrocher le premier wagon. Derrière, ils ne seraient pas forcés de rouler si Jakobsen est présent dans un second groupe à quelques secondes. Mais tout ceci est bien sûr dans un monde idéal.
DSM : Pas vraiment le début de saison rêvé pour l’équipe hollandaise toujours sans victoires. Malgré tout, un coureur mérite d’être cité pour demain, un qu’on a déjà vu à l’œuvre sur ces mêmes routes l’année dernière : Soren Kragh Andersen. Souvent à l’attaque sur les routes de Paris – Nice, le danois n’aura finalement pas pu scorer. Mais on a pu s’apercevoir que la forme était là, confirmée par sa cinquième place lors de la dernière étape.
L’année dernière, il aura été à quelques hectomètres de réaliser un gros coup. Revenu sur Stuyven à la flamme rouge, il lui en manquera un peu pour tenir et jouer la gagne après avoir tout donné devant Stuyven (qui lui en doit une, un jour !). Dans le même scenario, avec un vent favorable sur le final, il pourrait tenter de nouveau sa chance. Un coup qu’on l’a déjà vu réussir notamment sur le Tour de France 2020.
Israel – PremierTech : Les chances de l’équipe vont reposer sur Nizzolo. Toujours pas de victoires cette année mais on le sait capable de passer les bosses. Difficile de le voir basculer avec le premier groupe si les attaques fusent dans le Poggio ou que le rythme est trop élevé, il va espérer que le tout reste relativement groupé au sommet.
Intermarché : 6 top 10 entre 2013 et 2018 pour Kristoff, dont une victoire, beaucoup plus compliqué depuis. Lui aussi va espérer que les choses ne soient pas trop violentes dans le Poggio et qu’un groupe assez conséquent bascule ensemble. L’équipe comptera aussi la jeune sensation Girmay lui aussi rapide et capable d’encaisser les bosses. Si la course est rendue trop difficile dans le final, Intermarché pourra compter sur Rota pour tenter de garder les roues des attaquants et essayer de basculer avec le groupe de tête.
Bahraïn : Pas de Colbrelli qui aurait été clairement un des favoris pour la victoire cette année, lui qui compte 4 top 10 sur Milan – Sanremo. Les espoirs reposeront sur Mohoric cette année, lui qui a terminé dans le groupe de tête sur les 3 dernières éditions. En ne basculant pas trop loin, ses capacités de descendeurs lui permettront de raccrocher le wagon de tête. Derrière, lui aussi a déjà montré être capable de réaliser des coups en solitaire, et il fera parti des hommes à qui il ne faudra pas laisser un mètre arrivé sur la SS1. Incertitude tout de même depuis son abandon lors des Strade sur chute.
BikeExchange : 4 top 10 dont 2 podium sur la Primavera pour Matthews. Sur un sprint plat, pas le plus rapide, mais un des sprinters les plus polyvalent capable d’encaisser du dénivelé. Malheureusement pour lui, il rencontre souvent plus malin ou plus rapide que lui. Discret sur Tirreno, je ne serais pas étonné de le voir basculer pas loin de la tête à la cabine téléphonique.
TotalEnergies : En 11 participations, la pire place de Sagan sur la Classicissima est une 17ème place en 2011. Le slovaque a souvent tourné autour, décrochant notamment 2 deuxième place et 5 quatrième place (son classement sur les 3 dernières éditions !). Début de saison très compliqué où on l’a vu se faire décrocher dans des côtes qu’il passait sans encombre auparavant. Difficile de le voir jouer les premiers rôles demain, mais avec Peter, qui sait ? L’équipe comptera aussi sur Turgis, 10ème ici l’année dernière, et performant sur le final des courses longues.
Mes Choix
Quasiment tous les regards sont tournés vers Van Aert et Pogacar qui réalisent tout deux un début de saison monumental. Les deux vont vouloir faire sauter les sprinters et vont demander à leurs équipes respectives de durcir dès la Cipressa. Mais est-ce que pour autant la victoire leur est acquise d’avance ? Je n’en suis pas si sûr. J’ai du mal à voir un scenario où Pogacar démoli tout le monde dans le Poggio et fini seul. j’imagine plus un groupe d’une dizaine de coureurs basculer plus ou moins ensemble. La présence de Van der Poel vient rebattre un peu plus les cartes, et on pourrait aussi assister à un jeu de dupe où un homme viendrait profiter de cette guerre tactique pour tenter un coup dans le final, à l’image d’un Stuyven. Dans ce rôle, Ganna et SKA me plaisent bien pour les raisons évoquées plus haut. Dans un scenario où les leaders se regardent, cela pourrait laisser un peu de liberté à leurs équipiers, et dans ce rôle Covi me plaît bien. Même si la course doit être rendue difficile de loin et les équipiers mis à contribution, je ne suis pas sûr qu’on fasse rouler absolument tout le monde, l’italien pourrait être économisé jusqu’assez loin dans la course.
- Ganna @ 21 (0.15%)
- Soren Kragh Andersen @ 21 (0.15%)
- Covi @ 60 (0.05%)
- T3 @ 20 (0.1%)